vendredi 14 octobre 2011

Apprivoiser ou meubler le vide

Du 11 au 14 octobre

Le vide. C'est ça aussi la retraite. L'identité de travailleur qui a été la mienne pendant tant d'années n'est plus. "Qu'est-ce que vous faites dans la vie?", qu'on me demandait. "Réviseure-rédactrice principale", que je répondais non sans une certaine fierté. Car même malgré les bas de la carrière de fonctionnaire, j'ai toujours aimé ce que j'ai fait. Maintenant, je ne sais plus trop qui je suis. "Retraitée", ça ne dit pas grand-chose sur la façon dont j'occupe mes journées. On dirait un état plutôt qu'une action et pourtant je connais plein de retraités qui sont très occupés. La différence majeure, c'est qu'on peut choisir nos activités et les varier à l'infini. C'est positif ça, non?

N'empêche. Cette semaine, j'expérimente le vide. Comme je n'ai jamais été très à l'aise avec le concept du point de vue personnel, je ne le suis guère plus du point de vue professionnel. Je tente donc de le meubler toutes les fois qu'il se montre le bout du nez. Et de temps à autre, cela donne lieu à des comportements aberrants comme celui que j'ai adopté récemment qui consiste à ramasser les feuilles avant même qu'elles ne tombent de mon majestueux érable. C'est presque ridicule. Aux deux jours environ, je suis dans la cour avec mon râteau. Et je racle minutieusement partout. J'ai déjà rempli quatre immenses sacs de papier pour le recyclage. Dire que je me suis toujours moquée intérieurement des personnes âgées qui, l'hiver, sont dehors avec leur pelle pour cueillir les flocons à mesure qu'ils se déposent dans leur entrée. Je suis certaine que vous les avez remarqué vous aussi ces entrées parfaitement déblayées, pratiquement sur l'asphalte même en plein coeur du mois de janvier. Pour l'instant, je me dis que ma folie du râteau m'occupe l'esprit et participe à mon bien-être physique. Ce qui n'est pas rien.

Comme dans mon cas le danger vient avec le remplissage du vide par l'anxiété laquelle se traduit souvent par un comportement compulsif (pensez ici aux feuilles), j'ai souffert cette semaine de problèmes récurrents de digestion. Comme si quelque chose passait de travers... je me demande si cela pourrait avoir un lien avec mon nouvel état (encore une fois l'état, et non pas l'action). Poser la question, c'est y répondre. J'ai été chanceuse de pouvoir aborder ce phénomène avec la physio, grande anxieuse elle-même, qui essaie en ce moment de retarder le jour où je devrai porter des couches de vieille baderne. C'est elle qui m'a mise sur la piste et, surtout, qui m'a fourni cette intelligente réflexion : "Tant qu'à remplir notre vide par l'anxiété, je pense que c'est aussi bien de ressentir le vide lui-même. Il me semble que c'est pas mal moins souffrant." Ah! ces petites phrases qui ont l'air de rien mais qui sont pleines de bon sens. Depuis cette conversation, je suis plus consciente de mon attitude et, quand je me sens glisser vers la pente de l'hypocondrie notamment, je me ressaisis et choisis plutôt de regarder ce qui m'habite, sans plus. C'est un apprentissage, mais je sais que je peux y parvenir.

Je n'ai quand même pas pu résister à l'envie de meubler un peu mon vide. J'ai donc bénévolé deux fois, soit au service de dépannage alimentaire de la paroisse, puis au Marché de solidarité. J'ai vraiment aimé les deux endroits où il n'y avait que du beau et bon monde. Seule déception : j'en voudrais plus. Le dépannage, c'est seulement deux heures par semaine. Tant qu'au Marché de solidarité, il n'aura pas besoin de mes services pour les deux prochaines semaines because une gang de jeunes va envahir le local pendant cette période et remplacer les bénévoles. Zut! Encore du vide à absorber.

Heureusement qu'il y a les feuilles...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire