mercredi 28 décembre 2011

Vivement les vacances!

Période du 20 novembre au 28 décembre

Je sais que cela vous paraîtra paradoxal, ce l'est d'ailleurs pour mon moi-même, mais je suis toute énervée parce que je m'accorde un petit deux semaines de repos pendant la période des fêtes. Ça me fait vraiment bizarre de me sentir en vacances étant donné que, théoriquement, je le suis maintenant pour la vie. D'ailleurs, je ne pensais pas que c'était possible d'être en vacances quand on est à la retraite! Des vacances de quoi au juste, vous demandez-vous sans doute. Du bénévolat, d'abord. Et de la routine, ensuite.

Le mois de décembre a été fort occupé côté travail non rémunéré. En plus de mes heures régulières au Service de dépannage et à la Soupière, j'ai fait de l'extra pour la Guignolée, les paniers de Noël et le brunch du 21 décembre. J'ai vraiment beaucoup aimé avoir le temps cette année de me donner à fond pour ces activités. Cette période m'a permis de constater encore plus intensément à quel point les organismes auxquels je prête main forte changent de façon probante le quotidien de leur clientèle, particulièrement pendant cette période qui n'est pas nécessairement synonyme de réjouissances pour tous. Mais cela est exigeant, cependant, tant des points de vue physique qu'émotif. Les journées étaient plus longues qu'à l'habitude. Je quittais la maison vers 8 ou 9 h, et je ne revenais qu'à la fin de l'après-midi. À quelques occasions, j'ai aussi bénévolé en soirée. C'est d'ailleurs lors de l'une de ces escapades sous une pluie verglaçante que je suis tombée dans les marches de l'escalier de la galerie d'en avant. Mon popotin souffre toujours de cette chute malencontreuse et me fait crier "Ayoye" presque toutes les fois où je le dépose sur un sofa ou une chaise. Disons qu'en ajoutant à ces occupations la préparation de mon propre réveillon, force m'est de me rendre à l'évidence que ça commence à en faire beaucoup.

J'étais donc fort heureuse d'accepter la proposition de la soeur Psy de prolonger mon séjour à Québec. Une semaine supplémentaire de farniente après la dure période des festivités de saison ne pourra que me permettre de recharger mes batteries et de changer le mal de place, comme on dit. Libérée des tâches de la maison, je pourrai me gâter en cuisinant avec soeurette des pâtés au poulet et une tarte au citron, en lisant un roman policier que j'hésitais à commencer parce qu'il me semblait un peu noir mais je me lance à dieu-va, en allant au cinoche, en me promenant dans le Vieux ou en déjeunant chez Krieghoff. Les vacances, quoi! Et même à la retraite, je crois qu'il en faut.

samedi 19 novembre 2011

Pas de temps à perdre

Période du 8 au 19 novembre

Atteinte d'un vilain virus, j'ai tout de même vaillamment poursuivi mes activités de bénévolat au service de dépannage de la paroisse et à la Soupière de l'Amitié. J'aime ce que je fais à ces deux endroits, mais je veux vous partager les frustrations d'une néophyte du monde bénévole.

J'ai toujours cru que les organismes qui ont la chance d'avoir des gens frapper à leurs portes pour offrir leurs services gratuits (moi, en l'occurrence) se feraient un point d'honneur de les occuper au max. Ce n'est pas nécessairement le cas. Voyez plutôt.

Déclenchement d'une première, mais légère, montée de lait :
On m'informe que nous serons à court de bras pour le prochain dépannage. Comme on s'attend à devoir répondre à plusieurs demandes, on s'inquiète de la façon dont on va procéder, surtout qu'on ne m'a pas encore montré certaines tâches. Dévouée comme pas une, je propose immédiatement d'arriver plus tôt pour aider à faire les paniers et apprendre par la même occasion les secrets du remplissage de sacs. La semaine suivante, j'arrive donc comme prévu une demi-heure à l'avance pour constater que la responsable et une acolyte étaient elles arrivées encore plus tôt et avaient tout fait le travail. Résultats : je n'ai toujours pas percé le mystère du remplissage de sacs et je me suis tournée les pouces pendant près d'une heure.

Déclenchement d'une deuxième, mais forte, montée de lait :
On réserve mes services pour une journée en particulier, une journée qui sera, selon le responsable, très, très chargée. Je devais bénévoler de 13 h à 23 h. C'est vous dire. Enthousiaste, je me présente à l'heure dite et me retrouve en compagnie de beaucoup, beaucoup d'autres bénévoles. Presque trop. Désoeuvrée, j'en profite pour socialiser avec un groupe de Filles d'Isabelle qui tentent de me recruter dans leurs rangs. Je vois bien des gens courir comme des poules pas de tête mais, quand je les arrête pour offrir mon aide, ils ne savent pas quoi me déléguer. Finalement, j'installe des ballons et colle des dessins sur les murs. Il est environ 16 h. Je dois attendre dans la salle des bénévoles, avec d'autres bénévoles, d'avoir quelque chose à faire(?!). J'ai le temps de prendre un café, de manger un pain, et de me présenter à une représentante des médias que j'ai prise pour une bénévole. Le vrai travail commencera seulement à 18 h 30! Et je passe rapidement par dessus le fait que le responsable avait recruté toute une équipe de hockey pour faire la même chose que nous. On se marchait presque sur les pieds!

Mes frustrations s'étant produites au sein de deux organismes différents, force m'est de conclure, du moins pour le moment, que ce genre de situation n'est pas un fait inusité. Je dois dire que j'ai très mal réagi à cette façon de traiter des gens qui ont à coeur de travailler pour une cause. Ce n'est pas parce que je suis à la retraite que j'ai envie de prendre du temps pour le perdre. Ou plutôt, si je dois le perdre, je veux moi-même choisir comment je vais le faire. Je préfère de loin demeurer à la maison écouter la radio, lire mon journal, faire mes mots croisés, cuisiner, marcher, jouer avec les chats, écrire, plutôt que de m'asseoir sur une chaise et attendre que l'on me trouve quelque chose à faire. Je ne suis pas désoeuvrée. J'ai indiqué clairement que je préférais savoir que je ne suis pas utile la journée où j'offre mes services et souhaitais être renvoyée à la maison au lieu de poireauter. J'ai même laissé mon courriel, en plus de mes coordonnées, afin que l'on puisse me joindre si je n'avais pas besoin de montrer le bout de mon nez.

Aujourd'hui, j'ai poussé ma réflexion plus loin. Mettons que l'on fait inutilement appel à mes services, est-ce si grave que ça? C'est sûr que si cela se reproduit trop souvent, il sera préférable que j'aille voir ailleurs. Mais si cela est occasionnel, il faut que je laisse la responsabilité de la désorganisation à ceux qui la provoquent. Je me suis aussi demandée si je ne réagissais pas comme si j'étais encore au travail. "Il faut produire. Il ne faut pas perdre de temps. Il faut respecter des échéances", ce sont des messages que j'ai entendus pendant trente-quatre ans. Je ne suis pas certaine qu'ils s'appliquent de la même façon au travail non rémunéré. Je crois que je dois encore me donner du temps. Comme dit l'Amie J., à suire.

lundi 7 novembre 2011

Apprendre et vivre la lenteur

Du 1er au 7 novembre

J'ai été victime d'un vilain virus pendant cette période. Je me suis donc retrouvée confinée dans mon lit, empêchée de vaquer à mes occupations. Je dois avouer avoir régulièrement fait preuve d'impatience (parlez-en à l'Homme qui devait endurer mes exclamations de dépit et d'impuissance toutes les fois que je toussais ou me mouchais un peu trop à mon goût) en me voyant ainsi obligée d'annuler notamment mon cours de yoga et un lunch avec une amie. Plus les jours passaient, plus je trouvais que je perdais mon temps. Je ne sais pas trop pourquoi je réagissais de cette façon puisque du temps, j'en ai dorénavant une grosse banque devant moi! Finalement, les malaises ont duré suffisamment pour me forcer à revoir ma façon de penser.

Tout d'abord, j'ai dû me rendre bien vite à l'évidence que mon nouvel état de retraitée constituait une véritable bénédiction puisque cela me permettait de prendre soin de moi sans avoir à m'inquiéter de mes congés de maladie ni à me demander tous les soirs si je me sentais assez bien pour retourner au travail le lendemain. C'était merveilleux! Que de fois dans mon ancienne vie j'ai dû remettre les pieds au bureau avec le nez tout rouge et une toux persistante qui dérangeait sans nul doute les collègues autour de mon cubicule! Mais là, nenni. Même si je me réveillais en pleine nuit pour sucer des glaçons afin d'atténuer la douleur de mon mal de gorge, je m'en foutais car je savais que je pourrais récupérer le lendemain matin. Ce n'est jamais agréable d'être malade mais lorsqu'on a le luxe de pouvoir récupérer à son rythme, cela se prend mieux.

Alors, j'ai justement tranquillement repris du mieux et j'ai recommencé doucement à prendre l'air. Ah! comme le soleil était bon. La première fois où je suis sortie, j'ai marché jusqu'à l'épicerie en savourant le plaisir d'arpenter les trottoirs en plein après-midi. Je constate d'ailleurs qu'il m'arrive plus fréquemment de consciemment ralentir le pas quand je me rends quelque part en me disant qu'il n'y a rien qui presse. Je ne parle pas ici de mon entraînement sur les trottoirs. C'est évident que lorsque je fais de l'exercice, j'y consacre l'énergie qu'il faut. Non, je pense plutôt à mes petits déplacements. Ensuite, je suis retournée m'oxygéner samedi en ramassant des feuilles dans la cour et en m'amusant avec les espiègles. Là encore, je me trouvais tellement chanceuse de remplir mes sacs lentement, au moment qui me convenait le mieux. Quel contraste avec toutes les années où il fallait se dépêcher parce qu'il y avait eu une gelée précoce et que les feuilles jonchaient toujours le sol! Cette année, il faisait beau toutes les fois où je me suis emparée du râteau.

Enfin, aujourd'hui, je me sentais d'attaque pour reprendre mon cours de yoga. Nous avions un nouveau prof qui nous a fait travailler tout en douceur. Je me suis retrouvée comme dans un cocon. Couchée sur mon tapis, je jouissais du bonheur intense que je ressentais à faire bouger mon corps, à l'étirer, à me connecter à lui sans autre souci que d'être pleinement présente. J'avais un peu l'impression d'être engourdie tellement je vivais la lenteur. Et là, une image s'est imposée à mon esprit. J'ai vu mes espiègles dans leur étang. Mes poissons chéris qui, à cause du froid, commencent à se préparer pour l'hiver. Je vois bien qu'ils nagent de plus en plus lentement. Mais ils vivent toujours. Et ils vont se préserver jusqu'au printemps en remuant une nageoire de temps en temps, en laissant échapper une bubulle une fois par heure, en rêvant aux beaux jours qui vont revenir.

Est-ce que ce n'est pas un peu ça la retraite? Apprendre à ralentir pour se ménager. Respirer moins souvent mais plus profondément. Et créer nos beaux jours tous les jours.

lundi 31 octobre 2011

À votre service... mais pas plus

Du 23 au 31 octobre

Je dirais que cette semaine a principalement été marquée par mon désir de me mettre au service des autres. Ainsi, j'ai bénévolé plusieurs heures mardi, mercredi et jeudi. J'ai essayé notamment un nouvel endroit où je me suis sentie tellement à l'aise que j'ai eu envie d'y être tous les jours. C'est là que je me suis mise à réflexionner.

Même si j'ai trouvé difficile de me lever tôt la première journée, j'étais tout à fait enthousiaste de répéter l'expérience le lendemain. Voilà que je retrouvais une discipline de vie. Comme l'Homme, moi aussi je devais me préparer le matin pour vaquer ensuite à mes occupations. Oui, j'étais attendue. Quelqu'un quelque part avait besoin de moi. Mieux encore, j'étais appréciée. J'ai adoré baigner dans cette douce sensation de me savoir de nouveau utile.

Cela m'a toutefois cruellement rappelé mes deux dernières années au travail où mon rôle se limitait à fournir un corps pour l'asseoir devant un écran d'ordinateur. Isolée dans mon coin, sans rien à faire, je rageais d'être obligée d'être là et je me languissais de ne pouvoir mettre mes talents à profit. Pire encore, je n'avais même plus d'équipe, ou si peu. Comme vous le savez déjà, mon seul collègue francophone ne m'adressait plus la parole depuis des lunes. Je suis d'ailleurs partie sans même qu'il me salue ou qu'il m'envoie un petit courriel. Peut-être qu'il ne s'est pas encore aperçu à ce jour que le corps qui habitait le cubicule d'à côté a quitté pour des lendemains meilleurs. M'enfin.

Je constate donc que j'éprouve un réel besoin d'appartenir à un groupe. Je ne crois pas en effet que je pourrai me satisfaire de mes journées si je les passe uniquement à lire, à cuisiner ou à jouer à la boniche. Je veux continuer d'apporter quelque chose à la société et maintenant je suis libre de choisir le secteur d'activité où je peux m'épanouir. Tout cela est beau et bon, mais entraîne également quelques interrogations :

Comment en faire assez mais pas trop?
Je me rends compte que les bénévoles constituent une ressource recherchée. Les besoins sont immenses et jamais comblés. Les bras offerts gratuitement sont accueillis chaleureusement et mis immédiatement à contribution. Le nombre d'heures pendant lesquelles ces travailleurs descendus du ciel sont prêts à oeuvrer dépend seulement de leur bon vouloir. Il est facile de se laisser absorber par le désir de sauver le monde surtout que les causes justes ne manquent pas. Je sais par ailleurs que si je m'embarque trop, je vais regretter ma liberté de décider chaque jour ce que j'ai envie de faire. Important ici de trouver l'équilibre.

Puis-je répondre autrement à mon besoin d'appartenance?
Je crois que ce sera important justement que je m'engage dans des activités autres que manuelles pour aussi me nourrir les neurones. C'est reposant de ne penser à rien en remplissant des sacs Ziploc de sucre ou de café, mais je crains fort que cela m'ennuie à la longue si je ne fais que ça. J'ai encore des idées, des opinions et des convictions. J'aime échanger avec d'autres personnes engagées pour améliorer les choses. Encore là, un hic. La soeur Psy, auprès de qui j'ai eu la chance de m'épancher à ce sujet en fin de semaine, m'a lancé "innocemment" cette remarque : "Si tu veux savoir comment sont prises les décisions et de quelle façon l'argent est dépensé, va falloir que tu fasses partie du conseil d'administration ou encore que tu participes à l'assemblée annuelle." Ouais, mais moi j'en ai soupé des réunions où l'on aligne les voeux pieux une main sur le coeur et l'autre derrière le dos faisant un doigt d'honneur aux pauvres imbéciles qui pensent avoir été compris. Mon cynisme de fonctionnaire usée n'est malheureusement pas mort. C'est la raison pour laquelle je pensais me cantonner dans les rôles de figurant... encore pour un moment.

samedi 22 octobre 2011

Cogitons un peu

Du 15 au 22 octobre

Cette semaine, curieusement, a été marquée par diverses interrogations qui m'ont été lancées à la figure sans préavis et qui touchaient directement mon nouvel état de vie. Étant donné que les questionneurs me laissaient fort peu de temps pour formuler une réponse satisfaisante, je me reprends ici. Ai-je besoin de préciser que je m'adonne à cet exercice "pédagogique", comme dirait un certain premier ministre créateur de patente à gosse, uniquement parce que j'ai le souci que la population soit bien informée?

Allons-y donc pour une première question posée par une voisine probablement bien intentionnée mais pas trop portée sur l'empathie :

Qu'est-ce que tu peux bien trouver difficile à la retraite?

Vous aurez peut-être deviné que j'ai eu droit à cette remarque parce j'ai osé affirmer que la vie de retraitée n'est pas toujours une sinécure. Ma voisine semblait soudainement avoir oublié qu'au début de sa propre retraite, elle était retournée travailler pendant un certain temps pour se faire des sous supplémentaires, mais également pour se changer les idées. Je dois dire que sa réaction m'a légèrement déstabilisée. Sur le coup, je n'ai réussi qu'à ébaucher un semblant de réponse ne sachant trop comment expliquer que la retraite suppose une période d'adaptation, et ce, sur plusieurs plans à la fois : nouvelle identité, liberté de choix et angoisse qui peut l'accompagner, désir de profiter du temps tout en ne le perdant pas, bref, un changement qui ne se digère pas du jour au lendemain. Voyez comme l'écriture est thérapeutique. Je note dans l'avant-dernière phrase l'utilisation spontanée d'un mot renvoyant à mon estomac capricieux. Tout a un sens et oui, la retraite, ce n'est pas la farniente éternelle des vacances.

Je passe à une seconde question qui m'a été posée celle-ci par une Martha préoccupée qui voulait sans doute s'assurer que je gardais bien en main serpillères et plumeaux :

Est-ce que tu es en train de faire ton ménage d'automne comme la plupart des personnes retraitées que je connais?

À cette question, que je m'empêcherai de qualifier pour éviter des poursuites éventuelles, j'opposerai cette réponse formidable provenant d'une belle-soeur de la maman de l'Homme : "Moé, frotter, j'aime mieux faire des pâtés." (traduction : "Au lieu de perdre mon temps à enlever de la poussière qui revient inlassablement, je préfère mitonner des plats savoureux.")

Je suis en feu. Quelle est donc la troisième question qui semble tout droit relever du genre de celle que le psy me poserait comme entrée en matière d'une séance sur le divan?

Est-ce que tu t'ennuies?

Étrangement, non. Je dis étrangement parce que je ne peux nier les embûches de ma nouvelle vie. Cependant, je trouve que le temps file et que je ne vois pas mes journées même quand je les passe à angoisser ou à hypocondrer. Il est clair pour moi qu'il n'y a pas de retour en arrière possible. Je préfère, et de loin, ma liberté actuelle. Si je peux en outre continuer à disposer de ma vie sans plus avoir à la gagner, je serai aux anges.

Je mets fin à la période de questions en citant ce conseil judicieux prodigué par une yogini rencontrée lundi dernier dans mon groupe de retraités :

Prends le temps d'entrer dans la retraite. Les activités vont se présenter tranquillement à toi sans que tu aies vraiment à les chercher.

J'adore. C'est zen, donc pas stressant du tout. Parfait pour moi.

Et je vous quitte avec ce brin de folie ou grain de sagesse, à vous de décider :

Nous, les retraités, on est pas pressé... savez-vous pourquoi? Parce qu'on sait où on s'en va et qu'on n'est pas pressé d'y arriver!

vendredi 14 octobre 2011

Apprivoiser ou meubler le vide

Du 11 au 14 octobre

Le vide. C'est ça aussi la retraite. L'identité de travailleur qui a été la mienne pendant tant d'années n'est plus. "Qu'est-ce que vous faites dans la vie?", qu'on me demandait. "Réviseure-rédactrice principale", que je répondais non sans une certaine fierté. Car même malgré les bas de la carrière de fonctionnaire, j'ai toujours aimé ce que j'ai fait. Maintenant, je ne sais plus trop qui je suis. "Retraitée", ça ne dit pas grand-chose sur la façon dont j'occupe mes journées. On dirait un état plutôt qu'une action et pourtant je connais plein de retraités qui sont très occupés. La différence majeure, c'est qu'on peut choisir nos activités et les varier à l'infini. C'est positif ça, non?

N'empêche. Cette semaine, j'expérimente le vide. Comme je n'ai jamais été très à l'aise avec le concept du point de vue personnel, je ne le suis guère plus du point de vue professionnel. Je tente donc de le meubler toutes les fois qu'il se montre le bout du nez. Et de temps à autre, cela donne lieu à des comportements aberrants comme celui que j'ai adopté récemment qui consiste à ramasser les feuilles avant même qu'elles ne tombent de mon majestueux érable. C'est presque ridicule. Aux deux jours environ, je suis dans la cour avec mon râteau. Et je racle minutieusement partout. J'ai déjà rempli quatre immenses sacs de papier pour le recyclage. Dire que je me suis toujours moquée intérieurement des personnes âgées qui, l'hiver, sont dehors avec leur pelle pour cueillir les flocons à mesure qu'ils se déposent dans leur entrée. Je suis certaine que vous les avez remarqué vous aussi ces entrées parfaitement déblayées, pratiquement sur l'asphalte même en plein coeur du mois de janvier. Pour l'instant, je me dis que ma folie du râteau m'occupe l'esprit et participe à mon bien-être physique. Ce qui n'est pas rien.

Comme dans mon cas le danger vient avec le remplissage du vide par l'anxiété laquelle se traduit souvent par un comportement compulsif (pensez ici aux feuilles), j'ai souffert cette semaine de problèmes récurrents de digestion. Comme si quelque chose passait de travers... je me demande si cela pourrait avoir un lien avec mon nouvel état (encore une fois l'état, et non pas l'action). Poser la question, c'est y répondre. J'ai été chanceuse de pouvoir aborder ce phénomène avec la physio, grande anxieuse elle-même, qui essaie en ce moment de retarder le jour où je devrai porter des couches de vieille baderne. C'est elle qui m'a mise sur la piste et, surtout, qui m'a fourni cette intelligente réflexion : "Tant qu'à remplir notre vide par l'anxiété, je pense que c'est aussi bien de ressentir le vide lui-même. Il me semble que c'est pas mal moins souffrant." Ah! ces petites phrases qui ont l'air de rien mais qui sont pleines de bon sens. Depuis cette conversation, je suis plus consciente de mon attitude et, quand je me sens glisser vers la pente de l'hypocondrie notamment, je me ressaisis et choisis plutôt de regarder ce qui m'habite, sans plus. C'est un apprentissage, mais je sais que je peux y parvenir.

Je n'ai quand même pas pu résister à l'envie de meubler un peu mon vide. J'ai donc bénévolé deux fois, soit au service de dépannage alimentaire de la paroisse, puis au Marché de solidarité. J'ai vraiment aimé les deux endroits où il n'y avait que du beau et bon monde. Seule déception : j'en voudrais plus. Le dépannage, c'est seulement deux heures par semaine. Tant qu'au Marché de solidarité, il n'aura pas besoin de mes services pour les deux prochaines semaines because une gang de jeunes va envahir le local pendant cette période et remplacer les bénévoles. Zut! Encore du vide à absorber.

Heureusement qu'il y a les feuilles...

lundi 10 octobre 2011

L'enchantement et la détresse

Du 15 septembre au 10 octobre

Comme je ne peux rien faire sans l'écrire, j'ai décidé de tenir un journal sur ma première année à la retraite. J'aimerais y consigner mes bonnes et moins bonnes idées, évaluer ce qui marche et ce qui ne marche vraiment pas. J'ai l'intention de publier au gré des étapes qui se présenteront et des émotions qui surgiront. Cela risque d'être en montagnes russes, mais cela traduit parfaitement, pour le moment du moins, ma nouvelle réalité.

Ouais, les montagnes russes. C'est comme ça que je me sens. Comme vous le savez, j'ai eu l'immense privilège de commencer ma retraite pendant mon séjour à Paris. Je cite ici la soeur Psy : "Y a pire que ça dans vie!" D'ailleurs, si je peux déjà me congratuler pour une riche idée, je dirais que de débuter la retraite par un projet emballant comme ce voyage a constitué une façon très agréable de risquer le premier pas sur le nouveau macadam. Ce fut donc la poursuite de l'enchantement après la date officielle du 15 because la poursuite du voyage. Toute bonne chose ayant une fin, je me suis retrouvée sur le plancher des vaches le samedi 1er octobre.

Premier choc à absorber : les vacances sont terminées mais je ne retourne pas travailler. L'Homme, oui. La soeur Psy, itou. Mais pas bibi. Encore là, y a pire dans vie que d'avoir tout le temps nécessaire pour défaire ses valises, dépouiller son courrier, remettre la maison à sa main après une absence de trois semaines. D'accord, mais le lundi, j'avais tout fini. J'étais prête. À quoi? Je ne sais trop. Heureusement, il y avait le cours de yoga le mardi. Cela m'a donné l'occasion de revoir ma bande de yoginis et d'aller visiter la Maison de thé où je me suis éternisée le reste de l'après-midi pour jaser avec les spécialistes de ce nectar divin. Un matin, j'ai déjeuné avec une amie. L'Homme était en congé deux jours pendant la semaine. Le Fils et la Fille sont arrivés pour la fin de semaine.

Deuxième choc : tout ce temps et je ne le vois pas. Cela me renverse. En plus, je ne suis pas inscrite à une multitude d'activités. Qu'est-ce que ce sera le jour où je déciderai de remplir un peu mon agenda? Décidément, je ne pourrai pas y mettre grand-chose. C'est ce qu'il me semble en tout cas. En fait, depuis mon retour de voyage, j'ai toujours l'impression que le temps me file entre les pattes. Pire, que je ne l'utilise pas à bon escient. Par là, je veux dire à faire quelque chose d'utile comme nettoyer le frigo ou le garde-manger, ou refaire mes plates-bandes, ou changer les couches de plus vieilles badernes que moi. Je sens confusément que je m'énerve trop ici et que je devrais plutôt prendre le temps d'avoir le temps. Après tout, voilà un luxe dont je n'ai pas profité depuis belle lurette, depuis ma tendre enfance oserais-je avancer.

Troisième choc : je vis avec une culpabilité exagérée et inutile ma liberté retrouvée. Comme si je n'y avais pas droit. Ainsi, je n'arrive pas à croire que je peux choisir chaque jour ce que j'ai envie de faire. Encore mieux, que je peux faire en sorte que chaque jour soit différent. Que je peux faire la paresse ou travailler comme une folle. Que je peux profiter de la nature à plein en allant par exemple marcher tôt le matin ou en décidant, comme je l'ai fait aujourd'hui, de passer la journée dans la cour à lire, à jouer avec les chats et les poissons, à respirer l'air magnifique de cet automne à son paroxysme.

Quatrième choc : ce n'est pas évident d'éviter l'équation retraite = mort annoncée. C'est sûr que je reconnais là ma personnalité anxieuse. Force m'est de constater que je n'ai pas pu m'en débarrasser pour entamer cette nouvelle étape de vie et que je devrai faire avec même dans mon troisième âge. En fait, cette idée fixe a un lien avec le choc précédent. Voici donc mon raisonnement erroné, pour ne pas dire erratique : je trouve que c'est trop merveilleux de pouvoir jouir d'une telle liberté et d'être payée en plus pour avoir ce plaisir; par conséquent, une catastrophe va se produire. Et quelle est la pire des catastrophes? L'arrêt total de jouissance par mort interposée.

Vous voyez que j'ai besoin d'écrire ce journal. Ne serait-ce que pour ventiler mes neurones absolument fous de joie de jouer aux électrons libres!